« Bon sang, qu'est-ce qui m'a pris ? », « Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ? », « Aidez-moi ! », « Je ne m'en sors pas... », « Pitié... ». Écoute... écoute le malheur des gens. Écoute-les crier à l'aide. Écoute-les se débattre. Tu sens combien ils sont désespérés ? Nous avons le pouvoir de changer ça. Nous avons le pouvoir de leur rendre le bonheur, le sourire, l'espoir. N'est-ce pas ce que tu veux ? Que la paix règne sur Terre et dans les cœurs ? Nous pouvons leur faire oublier leurs douleurs.
Tu sais, ce n'est pas compliqué. Un petit programme, et c'est terminé. Personne ne le remarquera. Tout le monde sera heureux. Un tout petit programme de rien du tout. Tu peux le faire. Tous ces gens ont besoin de toi, tu ne peux les abandonner. Crois en toi, crois en nous. Nous serons là pour te soutenir, pour t'aider. Il le faut. Si nous ne le faisons
pas, les hommes seront malheureux jusqu'à la fin. C'est ce que tu veux ? Tu as le pouvoir de changer ça. Un tout petit programme.
Tu vois, tu es convaincu. Au fond de toi, tu le sais, tu vas le faire, ce programme. Tu sens que le monde en a besoin. Tu n'es pas assez égoïste pour refuser. Tu te mets devant la machine, et tu commences à taper. Les caractères s'enchaînent, les mots apparaissent, les
balises (tout le monde ne comprendra pas... pourquoi un seul terme technique isolé et perdu ? ^^) se ferment, les sentiments disparaissent. Tu sais que c'est définitif, tu as peur, mais tu sais que c'est pour le bien de tous. Tu ne pensais pas que ça
soit (serait / fût) possible, pourtant ça l'est.
Tu sais, aujourd'hui, tout le monde est connecté. Tout le monde surfe sur Internet, tout le monde regarde la
télévision. Pas une seule personne n'échappe au lien avec les moyens de communication. Que ce soit la
télévision, l'ordinateur ou la radio, tout le monde sera touché. N'aie pas peur. Ce n'est pas une maladie,
c'est remède. Un médicament bienfaiteur. Si tu doutes, écoute à nouveau. Écoute à nouveau la souffrance du monde. Écoute-le à nouveau appeler à l'aide. Ton aide.
Tu vois, tes doigts sont convaincus de faire le bon choix. Ils s'affolent sur le clavier et ne veulent plus s'arrêter. Ils veulent aller au bout. Ils savent que c'est pour le bien de tous. Alors suis leur avis, ils ont raison. Nous avons raison. Nous avons trop souffert. Il est temps de laisser
se reposer nos cœurs (dans l'autre sens ?). Il est temps de goûter à la vie sous un autre jour. Sous un jour heureux, un jour où aucune Ève n'est venue nous interdire d'accéder au bonheur
(?).
Tu sais que c'est le bon choix. Ton programme va s'infiltrer dans chaque ordinateur, chaque tablette, chaque télévision, chaque onde radio. Ton programme est magique. Il va entrer dans le cœur des gens, et il va effacer la souffrance. Il va effacer toutes leurs peurs, tous leurs pleurs, toute leur douleur, toutes les absences, tous les deuils, tout. Il ne
laisser place qu'à la plénitude de l'âme, de l'être. Qu'à l'essence même de chacun.
Tu vois, il n'y a pas de soucis à se faire, c'est le bon choix. Le 14 février, ce jour maudit, ton programme entrera en action. Il sauvera le monde. Le 14 février, ce jour de douleur absolue, ce jour de souffrance intense, ce jour où toutes les personnes seules se demandent ce qui ne va pas chez elles, ce jour où chacun doute, ton programme les sauvera d'eux-mêmes. C'est le meilleur choix. C'est le seul choix.
Tu sais, le 14 février, on ne sait pas à quoi il sert. À faire souffrir les
célibataires ? À leur montrer le bonheur des autres, heureux d'être en couple ? Pourquoi a-t-on créé une fête spécialement pour les amoureux ? Y a-t-il une fête pour les
célibataires ? Non. D'ailleurs, même les amoureux ne sont pas heureux, ce jour-là. Ils doutent. « Est-ce qu'il m'aime encore ? », « Est-ce qu'elle a un amant ? ».
Tu vois, personne n'est heureux, le 14 février. C'est pour ça que c'est la date idéale. Le taux de désespoir dans le monde sera si élevé que ton programme les touchera en plein cœur. Ils seront apaisés. N'aie pas peur. Ils n'auront pas mal, tu y veilleras. Ils n'auront plus mal. Grâce à toi. Grâce à toi, ils seront sauvés. Sauvés de leurs peines, de leurs tourments, de leur mal-être. Il n'y a pas de raison de souffrir
ainsi si (si si) nous pouvons être guéris.
Tu sais, personne n'aime souffrir. Même ceux qui disent le contraire, c'est pour cacher leur peur que ça ne soit pas vrai. Leur peur de se rendre compte qu'ils n'arrivent pas à s'en sortir. L'amour est le pire des fléaux. Il empêche de voir clair, il empêche de respirer à plein poumons, il enserre les poitrines, il donne mal au ventre, à la tête. Il donne le tournis, il donne des illusions, il fait tomber de haut.
Tu vois, c'est pour ça que la Saint-Valentin est nocive. Oui, nocive. Et puis d'abord, qui était ce Saint-Valentin ? Pour quelle raison s'est-il donné le droit de célébrer la souffrance ? Une fête est censée être heureuse, n'est-ce pas ? Mais ce n'est pas le cas. Les seuls heureux sont les commerçants. On leur achète des fleurs, on leur achète des chocolats, des voyages, des places de concert... Et pendant ce temps-là, on souffre à l'intérieur de ne pas savoir pourquoi on le fait.
(une fête est censée être heureuse, ça se discute. ) Tu sais, je ne dis pas ça par plaisir. Ce n'est pas ce que je préfère faire. Je
préférerai voir le monde danser, danser avec lui, aimer, voir seulement ce qui est beau. Mais ce n'est pas possible. Parce que ce monde est pourri jusqu'à la moelle, et que c'est la faute à l'amour. On nous fait croire que c'est le plus beau sentiment du monde, qu'il donne des ailes, fait voir la vie en rose. Mais ce n'est pas vrai. On nous ment. L'amour est le pire des fléaux.
Tu vois, je te comprends. Tu as peur de leur enlever quelque chose d'important, de merveilleux, d'essentiel. Ce n'est pas vrai. Ce qui est essentiel, c'est la paix, la sérénité. L'amour n'apporte pas de sérénité. L'amour nous tue. L'amour brûle, l'amour consume. L'amour est une maladie incurable. C'est pour ça que nous devons accomplir notre tâche. Lâcher cette bombe curateur qui sauvera les hommes.
Tu sais, la Saint-Valentin est le pire moment pour les hommes. Et pour les femmes. Et pour les enfants. Ils font semblant que tout va bien, qu'on a le temps d'apprendre à se connaître si on invite une personne pour la première fois, que les faux-semblants ne nous rattraperont pas, que c'est un magnifique moment à passer ensemble. Mais c'est faux. Terriblement faux. Que crois-tu ? Que le 14 février est un remède aux douleurs de l'amour ? Eh bien non.
Tu vois, c'est pour ça que la Saint-Valentin est dangereuse. L'amour nous tue, mais pendant un jour, on fait semblant que ce n'est pas le cas.
On fait semblant que (ça sonne bizarre à mon oreille ^^') notre couple va bien, que chacun aime l'autre aussi fort que la première fois, alors que non. Et on se rend compte qu'on ne fait un effort que pour le temps d'une soirée. Qu'
aussi tôt la fête terminée, on retourne à
nos vie morne, à notre couple qui bat de l'aile.
Tu sais, ça fait encore plus mal de se rendre compte de ça de cette manière, plutôt que d'accepter
qu'on est pas
fait (je pense qu'il faut un pluriel, ici) l'un pour l'autre. Se rendre compte qu'on joue la comédie, que notre histoire est factice, il n'y a rien de pire. Rien de pire que de se lever un matin, et de se demander pourquoi on passe toutes nos nuits à côté de quelqu'un qu'on ne regarde plus, qu'on n'écoute plus. Et tout ça pour quoi ? Pour se rassurer. Pour la sécurité du quotidien.
Tu vois, c'est pour ça que tu es le sauveur de l'humanité. Ton programme va la sauver de l'amour. Effacer les émotions et lui permettre de se concentrer sur l'essentiel. Allez, vas-y ! Sauve-les ! Sauve-les ! SAUVE-MOI ! Bon Dieu, vas-y ! Efface ces fichus sentiments qui alourdissent mon âme, qui tue mon cœur. Efface mon cœur. Efface tout. Prend mes souvenirs, prends mes peines, prends mes joies, prends tout ce qui fait de moi ce que je suis. Efface-moi.
Je sais, tu penses finalement que c'est mal. Ça ne l'est pas. Je t'assure, souffrir ainsi n'a pas de sens. Aide-moi. L'amour me tue, alors tue mon amour. Je ne veux pas de cette foutue Saint-Valentin qui va me rappeler combien j'ai mal. Je veux oublier. Ne me dis pas que ne rien ressentir est mal. C'est tout ce que je souhaite, ne plus rien ressentir. Ce qui est mal, c'est la douleur qui me tenaille et m'empêche de dormir. Alors je t'en prie, clique sur ce fichu bouton, et efface-la.
« Votre programme a bien été créé. Votre programme a bien été activé. Effacement des données de type sentiments dans 10,
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Sentiments effacés. »